Boris Giltburg révèle le piano Paulello, salle Gaveau
Musicien d’élite – virtuosité impeccable, personnalité affirmée, absence totale d’effet – le pianiste se distingue par une oreille, un souci des couleurs, des nuances, des contrastes de texture et des plans, une science des nappes harmoniques, des phrasés, un respect absolu des valeurs, des figures rythmiques et une maîtrise des architectures qui lui offrent de communiquer le sens et l’unité d’un texte avec une autorité magistrale et sereine.
Chaconne de Bach-Busoni sobre, charnue, ancrée dans des profondeurs d’orgue ou scintillante d’aigus. Ballade en fa de Chopin chantée avec art, Sotto voce, sostenuto e sempre legatissimo, hérissée d’envolées schumaniennes. Transcrit par Giltburg, le Quatuor n°8 de Chostakovitch est saisissant d’atmosphère et de densité, encore que le piano ne puisse qu’évoquer le vibrato des cordes, l’apprêté des archets. Les glorieuses Etudes-Tableaux op. 33 de Rachmaninov, la Sonate n°8 de Prokofiev (digne d’Emile Guilels) ne firent qu’affiner ces beaux portraits de piano et de pianiste.
Ovationné, Boris Giltburg est rappelé à quatre reprises. Toucher ailé, nostalgie lancinante du Liebesleid de Fritz Kreisler, écho dansé d’un monde perdu, Suggestion diabolique de Prokofiev sardonique à souhait, gravité lyrique de l’Etude en do dièse mineur op. 2 n° 1 de Scriabine. Puis l’élégance, enfin, de conclure sur cette Polka que Rachmaninov, pour son père Vassili, transcrivit d’une Rieuse badine et française de Franz Behr. (4 juin)
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