Reconversions de musiciens : « C’est une démarche que j’ai choisie »
Jean-Raphaël Lavandier, baryton-basse installé à Annecy, a choisi de devenir conducteur de train. Il nous explique ses motivations.
« Mes six frères et sœurs faisant de la musique, j’ai suivi le destin familial en devenant chanteur. Avec la crise du Covid, mon activité s’est arrêtée. Durant cette pause forcée, j’ai commencé à réfléchir à mon avenir : j’ai 44 ans et le métier de chanteur devient plus difficile en vieillissant. Et socialement, on n’est rien en tant qu’intermittent. J’avais envie d’un meilleur niveau de vie pour ma famille. Le déclic s’est fait en apprenant qu’un ami chanteur avait tout plaqué pour devenir conducteur de train. Je me suis dit : « Ce mec a du cran ».
La semaine suivante, je suis allé sur le site de la SNCF suivre un cours en ligne sur le métier de conducteur. J’ai eu 93 % à ce test. Alors j’ai directement posé ma candidature. Le lendemain, j’avais un entretien puis se sont enchaînés des tests psychotechniques, de logique et de calcul. Le dernier test se passait face à une psychologue, suivi du test de la manivelle pour mesurer l’indépendance entre les deux mains. À l’issue de cela, j’ai été engagé en formation en CDI. C’est une formation intense, presque comme une année de médecine : 7 h de cours par jour, plus 3 h de travail personnel le soir. Nous avons des cours théoriques et en simulateur. Financièrement c’est un métier mieux payé que celui de chanteur . Ce qui est intéressant, c’est que la SNCF n’embauche plus seulement des gens spécialisés en électronique. Nous, musiciens intermittents, avons un sacré bagage par rapport au savoir-vivre attendu par la SNCF : rigueur, ponctualité, obéissance passive et immédiate. Un musicien a l’habitude d’obéir au chef d’orchestre, de chœur ou au metteur en scène. On est également habitués aux horaires décalés, à travailler les dimanches et jours fériés. Pour l’instant, la musique ne me manque pas. Ce n’est pas une démarche que je subis, c’est une démarche que j’ai choisie. La formation me prend tellement de temps que je n’y pense pas. Juste avant qu’elle démarre, j’étais dans une sorte de deuil euphorique d’avoir réussi le concours, puis quand tu regardes dans le rétroviseur, tu vois ta vie d’avant s’éloigner et tu te demandes si tu as fait le bon choix. Mais je ne me dis pas que je rechanterai ; je n’en ai même plus l’envie, j’ai été douché par les annulations de toute cette année. »
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